Hassana et sa fille Martha dans leur salon en ruine |
A Zinder à l’Est du Niger, le
16 janvier 2015, les violentes manifestations contre les chrétiens suite à la
caricature du Prophète Mahomet publiée dans Charlie, ont provoqué des pertes en
vies humaines et d’énormes dégâts matériels. En l’espace de 3 heures, plusieurs
familles ont tout perdu.
Parmi ceux qui ont tout perdu,
il y a Hassana Salifou, elle habite Franco, un quartier pauvre Zinder à la
sortie Est de la ville. Agé de 44 ans, Hassana est couturière de formation. En 2007,
elle a perdu son mari dans un accident de circulation. Elle élève ses 5 enfants
et survit grâce à la solidarité des parents amis et connaissances.
Le jeudi 15 janvier, Hassana
qui enseigne la couture à l’école mission catholique Saint Joseph de Zinder est
informée par la direction que l’école sera fermée vendredi. Elle qui n’a jamais
entendu parler de Charlie Hebdo ne pensait pas un seul instant qu’elle sera la
cible d’une colère contre ce journal satirique, 24 heures plus tard. Le jeudi
soir, dès son retour à la maison, elle programme de se tresser le vendredi et
alla demander à une amie du quartier la tresse pour vendredi. Hassana et ses filles
Leatou et Martha restent à la maison le vendredi 16 janvier. Son aînée Orpha, âgée
de 20 ans part au collège. La famille s’est réveillée comme d’habitude avec les
mêmes activités: prière, petit déjeuné, travaux domestiques. Hassana et sa
benjamine Martha 8 ans, balaient la
maison, donnent à manger aux chèvres.
Hassana reçoit son amie
tresseuse à 13h comme convenu la veille. À peine la tresse débutée que la
grande sœur de la tresseuse lui passe un coup de fil. « Il faut sortir de
cette maison au plus vite » semble lui dire l’expéditeur du message. Elle s’exécute
aussitôt sans donner les raisons de ce départ précipité. Hassana comme de
tradition, raccompagne au seuil de son portail la tresseuse. « Quand je
suis sortie, j’ai vu au loin une colonne de fumée ». Elle a avait sur elle, un
pagne et une robe. Sa fille Martha portait une jupe et une chemise. Hassana est
sorti avec son téléphone à la main. Elle s’interrogeait sur l’origine de cette
fumée quand elle a vu débarquer des inconnus. « Ils étaient à moto, à
pied, il y avait des femmes par eux et quelqu’un au loin leur a dit, cette
maison appartient à des chrétiens ». La suite a été violente. Les émeutiers armés
de gourdins, et d’essence entrent dans la maison. « Ils ont d’abord
incendié le hangar dans la cour où j’avais stocké de la paille pour nourrir mes
animaux ». Le groupe s’est divisé en deux. Certains sont repartis vers la
maison qui dégageait au loin de la fumée. C’était la maison du pasteur du quartier.
Cette maison est séparée d’un kilomètre de la maison d’Hassana. « Ils sont
ensuite revenus et ont fait le travail ». Devant elle, les femmes du
groupe des émeutiers pénètrent dans son salon. Elles ont descendu les rideaux,
rassemblé les fauteuils au salon et aspergent la maison d’essence. Les hommes se chargent de la suite. Sa maison,
est une construction en banco coiffée de tôle et crépie en ciment pour
renforcer la résistance. C’était une habitation de 3 chambres, un salon, une cuisine,
une terrasse à découvert et deux annexes, l’une côté court et l’autre côté
jardin. Hassana n’a pu rien sauvé. « Ils étaient au moins 100 ». Devant
la gravité de la situation, Hassana, Léatou et Martha se refugient chez des
voisins musulmans. Ils sont à l’abri mais leur vie a basculé. Elles seront
exfiltrées plus tard à moto vers leur église sous protection militaire. A la
descente de l’école, l’ainée Orpha appelle sa mère et lui apprend qu’elle a
fini ses cours et rentrera à la maison d’ici peu. « Nous n’avons plus de
maison, ils ont brulé notre maison » a répondu Hassana. Orpha passe la
nuit chez des copines de classes, des musulmanes qui lui ont offert leur toit. Elle
a rejoint le samedi sa maman dans leur église. Aujourd’hui, ses amis l’aident à
recopier les leçons. Ses cahiers d’école sont devenus cendres.
Une semaine après, la pauvre
Hassana et ses filles sont revenues dans les ruines. La maison annexe côté
jardin n’a pas brulé. De sa vie de mariée en 1993, il ne lui reste plus aucun
souvenir. « Ce qui me fait mal, c’est la perte des photos de mon mari et
les actes de naissance de mes enfants. Aujourd’hui, je n’ai plus rien de ce
souvenir et les enfants n’ont plus de photos de leur papa ».
Hassana a tout perdu sauf un
veau et quatre chèvres. Et cela a été possible avec l’aide d’une voisine
musulmane. Pendant que la maison brulait, cette voisine est venue à son secours
et a pu convaincre les émeutiers de ne pas bruler les animaux. La voisine avait
gardé les bêtes et a pris soins d’elles. « Quand, je suis revenue à la
maison, elle est venue m’apporter les animaux et me disant, c’est tout ce que j’ai
pu sauver pour toi. Je leur ai qu’ils m’appartenaient et ils ne les ont pas
brulé».
Malgré la perte de sa maison
et de ses biens, Hassana n’est pas en colère. « Je ne suis pas fâchée car
ceux qui ont fait cela ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Je suis née sans
rien et si Dieu le veut, je recommencerai tout à zéro ». Malheureusement, Hassana
doit tout recommencer à zéro. Des voisins, des parents, … ont commencé à mettre
en œuvre la chaîne de solidarité. Elle a pu acheter de la vaisselle, quelques
habits et habite dans l’annexe, le seul coin qui n’a pas brûlé. Elle tente de
surmonter une nouvelle épreuve après le décès de son mari. Ses filles Orpha,
Léatou, Martha, n’ont plus de cahiers d’école, plus de vêtements. Elles sont
devenues sans papier car elles n’ont plus d’acte de naissance.
Hassana est aussi peinée pour son
amie Zina. Avant son départ pour le
Mali, cette voisine a déposé tout ce qu’elle avait chez elle. « Ses
bagages, des pagnes, du haricot, ses matelas, tout était chez moi et tout a
brulé ». Zina ne sait toujours pas que la maison de son amie a brulé. « Je
ne sais pas quel choc, Zina aura à son retour et cela m’inquiète». Et de
conclure « Pour les pertes, je remets tout à Dieu. J’ai tout perdu mais
par la grâce de Dieu, je suis vivante avec mes enfants. Je peux tout reprendre
et je sais que beaucoup de gens vont m’aider pour tout reconstruire »
conclue Hassana.
Il est possible avec l’aide de
tous de permettre à Hassana, Léatou, Orpha et Martha et à tous ceux qui ont
perdu leurs maisons et leurs biens de naitre de nouveau et de reconstruire leur
vie.
Serge Xavier Oga
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