samedi 14 février 2015

Hassana, une veuve qui a tout perdu lors des manifestations anti Charlie le 16 janvier 2015 à Zinder

Hassana et sa fille Martha dans leur salon en ruine
A Zinder à l’Est du Niger, le 16 janvier 2015, les violentes manifestations contre les chrétiens suite à la caricature du Prophète Mahomet publiée dans Charlie, ont provoqué des pertes en vies humaines et d’énormes dégâts matériels. En l’espace de 3 heures, plusieurs familles ont tout perdu.

Parmi ceux qui ont tout perdu, il y a Hassana Salifou, elle habite Franco, un quartier pauvre Zinder à la sortie Est de la ville. Agé de 44 ans, Hassana est couturière de formation. En 2007, elle a perdu son mari dans un accident de circulation. Elle élève ses 5 enfants et survit grâce à la solidarité des parents amis et connaissances.

Le jeudi 15 janvier, Hassana qui enseigne la couture à l’école mission catholique Saint Joseph de Zinder est informée par la direction que l’école sera fermée vendredi. Elle qui n’a jamais entendu parler de Charlie Hebdo ne pensait pas un seul instant qu’elle sera la cible d’une colère contre ce journal satirique, 24 heures plus tard. Le jeudi soir, dès son retour à la maison, elle programme de se tresser le vendredi et alla demander à une amie du quartier la tresse pour vendredi. Hassana et ses filles Leatou et Martha restent à la maison le vendredi 16 janvier. Son aînée Orpha, âgée de 20 ans part au collège. La famille s’est réveillée comme d’habitude avec les mêmes activités: prière, petit déjeuné, travaux domestiques. Hassana et sa benjamine Martha  8 ans, balaient la maison, donnent à manger aux chèvres.

Hassana reçoit son amie tresseuse à 13h comme convenu la veille. À peine la tresse débutée que la grande sœur de la tresseuse lui passe un coup de fil. « Il faut sortir de cette maison au plus vite » semble lui dire l’expéditeur du message. Elle s’exécute aussitôt sans donner les raisons de ce départ précipité. Hassana comme de tradition, raccompagne au seuil de son portail la tresseuse. « Quand je suis sortie, j’ai vu au loin une colonne de fumée ». Elle a avait sur elle, un pagne et une robe. Sa fille Martha portait une jupe et une chemise. Hassana est sorti avec son téléphone à la main. Elle s’interrogeait sur l’origine de cette fumée quand elle a vu débarquer des inconnus. « Ils étaient à moto, à pied, il y avait des femmes par eux et quelqu’un au loin leur a dit, cette maison appartient à des chrétiens ».  La suite a été violente. Les émeutiers armés de gourdins, et d’essence entrent dans la maison. « Ils ont d’abord incendié le hangar dans la cour où j’avais stocké de la paille pour nourrir mes animaux ». Le groupe s’est divisé en deux. Certains sont repartis vers la maison qui dégageait au loin de la fumée. C’était la maison du pasteur du quartier. Cette maison est séparée d’un kilomètre de la maison d’Hassana. « Ils sont ensuite revenus et ont fait le travail ». Devant elle, les femmes du groupe des émeutiers pénètrent dans son salon. Elles ont descendu les rideaux, rassemblé les fauteuils au salon et aspergent la maison d’essence.  Les hommes se chargent de la suite. Sa maison, est une construction en banco coiffée de tôle et crépie en ciment pour renforcer la résistance. C’était une habitation de 3 chambres, un salon, une cuisine, une terrasse à découvert et deux annexes, l’une côté court et l’autre côté jardin. Hassana n’a pu rien sauvé. « Ils étaient au moins 100 ». Devant la gravité de la situation, Hassana, Léatou et Martha se refugient chez des voisins musulmans. Ils sont à l’abri mais leur vie a basculé. Elles seront exfiltrées plus tard à moto vers leur église sous protection militaire. A la descente de l’école, l’ainée Orpha appelle sa mère et lui apprend qu’elle a fini ses cours et rentrera à la maison d’ici peu. « Nous n’avons plus de maison, ils ont brulé notre maison » a répondu Hassana. Orpha passe la nuit chez des copines de classes, des musulmanes qui lui ont offert leur toit. Elle a rejoint le samedi sa maman dans leur église. Aujourd’hui, ses amis l’aident à recopier les leçons. Ses cahiers d’école sont devenus cendres.
 
Hassana devant la fenêtre de sa maison 
Une semaine après, la pauvre Hassana et ses filles sont revenues dans les ruines. La maison annexe côté jardin n’a pas brulé. De sa vie de mariée en 1993, il ne lui reste plus aucun souvenir. « Ce qui me fait mal, c’est la perte des photos de mon mari et les actes de naissance de mes enfants. Aujourd’hui, je n’ai plus rien de ce souvenir et les enfants n’ont plus de photos de leur papa ».

Hassana a tout perdu sauf un veau et quatre chèvres. Et cela a été possible avec l’aide d’une voisine musulmane. Pendant que la maison brulait, cette voisine est venue à son secours et a pu convaincre les émeutiers de ne pas bruler les animaux. La voisine avait gardé les bêtes et a pris soins d’elles. « Quand, je suis revenue à la maison, elle est venue m’apporter les animaux et me disant, c’est tout ce que j’ai pu sauver pour toi. Je leur ai qu’ils m’appartenaient et ils ne les ont pas brulé».

Malgré la perte de sa maison et de ses biens, Hassana n’est pas en colère. « Je ne suis pas fâchée car ceux qui ont fait cela ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Je suis née sans rien et si Dieu le veut, je recommencerai tout à zéro ». Malheureusement, Hassana doit tout recommencer à zéro. Des voisins, des parents, … ont commencé à mettre en œuvre la chaîne de solidarité. Elle a pu acheter de la vaisselle, quelques habits et habite dans l’annexe, le seul coin qui n’a pas brûlé. Elle tente de surmonter une nouvelle épreuve après le décès de son mari. Ses filles Orpha, Léatou, Martha, n’ont plus de cahiers d’école, plus de vêtements. Elles sont devenues sans papier car elles n’ont plus d’acte de naissance.
 
Martha dans les ruines de leur maison familiale
Hassana est aussi peinée pour son amie  Zina. Avant son départ pour le Mali, cette voisine a déposé tout ce qu’elle avait chez elle. « Ses bagages, des pagnes, du haricot, ses matelas, tout était chez moi et tout a brulé ». Zina ne sait toujours pas que la maison de son amie a brulé. « Je ne sais pas quel choc, Zina aura à son retour et cela m’inquiète». Et de conclure « Pour les pertes, je remets tout à Dieu. J’ai tout perdu mais par la grâce de Dieu, je suis vivante avec mes enfants. Je peux tout reprendre et je sais que beaucoup de gens vont m’aider pour tout reconstruire » conclue Hassana.

Il est possible avec l’aide de tous de permettre à Hassana, Léatou, Orpha et Martha et à tous ceux qui ont perdu leurs maisons et leurs biens de naitre de nouveau et de reconstruire leur vie.

Serge Xavier Oga

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