samedi 31 janvier 2015

L'Etat veut participer à la reconstruction des églises détruites les 16 et 17 janvier 2015


Ce qui reste de l'Eglise de Zinder
Le gouvernement du Niger va participer à la reconstruction de tous les lieux de cultes détruits lors des manifestations des 16 et 17 janvier 2015 à Niamey, Zinder et dans les autres localités touchées. L'information a été relayée par l’AFP qui cite une source gouvernementale qui a requis l’anonymat.

Au moins 45 églises, cinq hôtels, 36 débits de boissons, un orphelinat et une école chrétienne ont été pillés et incendiés à Zinder et à Niamey durant les manifestations des 16 et 17 janvier 2015. Dans la seule ville de Niamey, la remise en état des églises catholiques s’élèvent à au moins 1 milliard 400 000 de Francs CFA soit plus de 2 millions d'euros. A Zinder, l’estimation n’est pas encore achevée mais il faudra tout reconstruire. Hormis les constructions, l’Église n’a plus rien. Toutes les voitures ont été détruites, les prêtres n’ont plus d’habits sacrés. La résidence des sœurs a été réduite en gravas ainsi que l’école qui accueille des centaines d’élèves.
Voiture calcinée à la Paroisse de Zinder
Résidence des sœurs de l'Assomption

Officiellement, les manifestants protestaient contre une caricature du Prophète Mahomet en Une de l'hebdomadaire français Charlie Hebdo. Dix personnes ont perdu la vie et plus de deux cents autres ont été blessées.



lundi 26 janvier 2015

Message des Évêques du Niger

Nous, les Evêques de l'Eglise Catholique, en communion profonde avec nos communautés durement éprouvées par les événements inattendus et tragiques que nous avons subi sans en comprendre les raisons, nous venons renouveler notre amitié et notre fraternité à l'ensemble de la communauté musulmane de notre pays.

Nous adressons toute notre cordiale gratitude à chacune et à chacun d'entre vous pour tous les gestes et les actes de solidarité que vous nous avez exprimés.

Nous rejoignons la douleur que vous partager avec nous. Nos lieux de culte et la plupart de nos infrastructures sont démolis mais notre foi est intacte. C'est avec elle et avec la vôtre que nous construirons à nouveau ce que nos ennemis communs ont délibérément voulu anéantir.

Les activités de l'Eglise Catholique qui n'ont pour but que de servir les populations reprendront petit à petit, là où c'est possible en fonction de chaque situation. Si l'un de vous pense que nous avons failli à notre mission qu'il accepte le pardon que nous lui offrons en vérité.

Notre cœur n'a jamais cessé d'être animé par des paroles fortes de Jésus : « aimez vos ennemis... faites du bien à ceux qui vous haïssent... souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » Lc 6, 27-28.

Nous implorons sur chacune et chacun de vous, sur vos familles et sur notre pays d'abondantes et généreuses bénédictions.
Que Dieu nous accompagne sur le chemin de la réconciliation.

Fait à Niamey le 25 janvier 2015

+ Mgr Laurent Lompo, Archevêque Elu de Niamey
+ Mgr Ambroise Ouédraogo, Evêque de Maradi
+ Mgr Michel Cartatéguy, Administrateur Apostolique de Niamey

No comment Zinder, 16 janvier 2015
























Zinder, retour sur un drame sans précédent

l'intérieur de l'église vu de l'autel
10 jours après les attaques, nous sommes reparti à nouveau dans les ruines de la mission catholique de Zinder. Cela fait deux dimanche, oui deux semaines que la paroisse de Zinder a été étouffée. Après les violences contre les chrétiens du vendredi 16 janvier 2015, la majorité des chrétiens ont quitté la ville. Certains ont regagné Niamey pour souffler un peu. D’autres ont rejoint leur pays d’origine notamment le Togo, le Bénin et le Nigéria. Aujourd’hui, la communauté est constituée de quelques personnes qui ont décidé malgré tout de rester sur place. Hier dimanche, ils se sont réunis dans une famille pour prier. De l’Eglise, vieille de plus de 75 ans, il ne reste que ruines. Du presbytère, il ne reste rien. C’est pareil au domicile des sœurs de l’Assomption qui étaient présentes dans la cité depuis 50 ans. Elles participaient à la scolarisation, à l’éducation des enfants du Niger mais aujourd’hui seule une ruine symbolise ce don total à Zinder. Les curieux qui osent s'aventurer dans cette ruine ne comprennent pas, ils cherchent l'origine de cette colère et ne trouvent aucune réponse. De l'école, l'une des premières de la cité, il ne reste que des murs sauvagement brûlés par les flammes. Toutes les classes ont été saccagées. La vie s’est arrêtée le jeudi 15 janvier comme le témoignent les dates inscrites sur les tableaux par les enseignants. Il faut tout reconstruire. Un parent d'élève est venu voir ce qui reste de la classe de sa fille. Ce papa découvre une salle dont les tôles ont fondu. C'est la première fois qu'il est venu depuis les événements et ne s'attendaient pas à une telle destruction. "Je n'avais pas imaginé. Je ne pensais pas que,... pourquoi tout cela,... je ne comprends pas" affirme-t-il.

Unanimement tout le Niger a condamné cette violence gratuite. Aujourd'hui à la mission catholique de Zinder, le regard est tourné vers l’avenir mais le cœur n’y est plus. L’année scolaire est terminée à l’école mission catholique centre. S’il faut reprendre, il faudra trouver des classes dans ce pays où il y a une pénurie de plus de 20.000 classes. Zinder est devenue aujourd’hui une équation sans solution. Personne ne comprend le mobile de cette colère aveugle contre les chrétiens et les édifices religieux de la ville.
ce qui reste de la chambre d'une religieuse de l'assomption 
L’Eglise doit être reconstruite. Ce bâtiment a subi en l’espace de deux ans, deux profanations d’une rare violence. Aujourd’hui, quelques policiers sécurisent les ruines afin d’empêcher toute nouvelle intrusion. Les mots ne suffisent pas pour décrire la violence. Les portes ont été défoncées à la hache ou au burin. Minutieusement, chaque coin, chaque recoin a été détruit. Les portes, les fenêtres, les tables et bancs,…ont été volés avant de mettre le feu à ce qui reste de l'école, de l'église, de la salle paroissiale ou encore du domicile des religieuses de l'Assomption.
ruine d'une classe de l'école mission

jeudi 22 janvier 2015

La conférence épiscopale Burkina Niger décrète une journée de Jeûne et de Prière pour le Niger

A vous tous, frères en Christ et hommes de bonnes volonté !

C’est avec consternation que nous assistons aux événements qui secouent actuellement le monde, à la suite de la caricature de Charlie Hebdo. Ces événements sont d’autant plus inquiétants qu’ils se passent près de nous pour nos frères chrétiens du Niger, créant désarroi et peur dans leu cœur de beaucoup de personnes. Ces événements sont de nature à jeter le doute et la méfiance entre des gens qui sont liés par des liens séculaires de proximité et de fraternité.

Nous voulons rappeler à tous que nos liens d’africains nous unissent depuis la nuit des temps et que nous ne pouvons pas nous laisser distaire par des idées venues d’ailleurs, fussent-elles dans l’ère du temps. Le respect de chaque homme dans sa personne et dans sa religion sont des valeurs qui doivent régir nos rapports quotidiens et sont le gage d’une vraie liberté. « On ne peut provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi !... chaque religion a de la dignité, chaque religion qui respecte la vie humaine et l’homme, je ne peux pas me moquer d’elle... c’est une limite. » (Pape François lors de son voyage du Sri Lanka et aux Philippines le jeudi 15 janvier 2015). Quand nous nous exprimons, disons des paroles constructives et non destructives (Cf. Éphésiens 4,29).

Les chrétiens du Niger ne sont pour rien avec ces caricatures. Ils ont toujours respecté les musulmans et n’ont fait que chercher à vivre l’amitié avec les musulmans, à participer à l’instruction et à l’éducation des enfants musulmans, à apporter leur contribution pour faire face aux calamités qui adviennent.

Afin de marquer notre solidarité avec nos frères chrétiens du Niger, nous demandons aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté d’observer le mercredi 28 janvier 2015, une journée de jeûne et de prière pour nos frères du Niger.

A Ouagadougou et à Bobo Dioulasso, une messe sera célébrée dans la cathédrale à 18h30 pour les victimes de l’insurrection des 30-31 octobre 2014 de notre pays, pour les victimes des manifestations au Niger les 16-17 janvier 2015, pour la réconciliation, la justice et la paix dans nos deux pays.

Les autres diocèses s’organisent pour vivre cette journée de jeûne et de prière pour les mêmes intentions.

Continuons toujours de prier pour la réconciliation, la justice et la paix au Burkina et au Niger.

Que Dieu de toute l’humanité apaise les cœurs des nigériens et leur donne de bâtir une société fraternelle et solidaire pour un développement harmonieux de tous.

Ouagadougou, le 21 janvier 2015.
Mgr Paul Y Ouédraogo,
Archevêque de Bobo Dioulasso,
Président de la Conférence Episcopale Burkina-Niger

Violences contre les chrétiens au Niger, grande peine et affliction de la conférence épiscopale du Togo.

Dans une lettre en date du 19 janvier 2015 adressée aux Evêques du Niger, la conférence épiscopale du Togo exprime sa "grande peine et affliction" suite aux violences contre les chrétiens du Niger les 16 et 17 janvier 2014 à Zinder puis à Niamey. Mgr Benoît Alowonou, Evêque de Kpalimé et président de la Conférence des Evêques du Togo en union avec ses frères Evêques, les prêtres et tout le peuple chrétien au Togo manifeste sa proximité dans cette dure épreuve. Les chrétiens du Togo sont particulièrement touchés "par les nombreux chrétiens, des religieuses et des prêtres qui ont dû quitter leurs domiciles, des chrétiens qui n'ont pas pu se réunir ce dimanche pour sanctifier le jour du Seigneur, qui ont vu leurs domiciles et leurs églises partir en feux".

L’Evêque de Kpalimé condamne aussi toute forme d’insulte à l’Islam au nom de la liberté d’expression.

Aussi, « vous assurons-nous de notre fervente union de prière et de notre fraternelle disponibilité à travailler ensemble pour dissiper ces relents de violences entre nos communautés chrétiennes et musulmanes" a souligné le prélat au nom de tous les chrétiens du Togo.

Violences contre les chrétiens au Niger, le Cardinal Philippe Ouédraogo manifeste toute sa compassion et sa solidarité

Le Cardinal Philippe Ouédraogo, Archevêque métropolitain de Ouagadougou au Burkina Faso vient d'adresser une lettre de compassion et de solidarité au Niger au nom des fidèles de l'Archidiocèse de Ouagadougou après les violences des 16 à Zinder et 17 à Niamey contre les chrétiens du Niger. "C’est avec une réelle affliction que nous avons suivi sur les média, les scènes de violence qui ont marqué votre pays, et qui hélas ont malheureusement causé des pertes en vies humaines et la destruction de biens matériels dont des églises et des temples" écrit l'archevêque de Ouagadougou.

L'archevêque de Ouagadougou dans cette lettre en date du 20 janvier 2015 a aussi souligné que les événements des ces derniers jours au Niger "devrait constituer une interpellation forte" dans le cadre de l'exercice de la liberté sous toutes ses formes mais en gardant toujours en esprit que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. "La promotion de la « sacro-sainte liberté d’expression » ne devrait pas être aveugle au point d’ignorer et de nier la diversité multi-culturelle et multi-religieuse qui méritent considération et respect" ajoute le prélat.

A la suite du Pape François, le cardinal affirme "que la liberté d’expression doit s’accompagner de réalisme et de prudence. Le Cardinal Philippe Ouédraogo a déploré "l’amalgame fait avec raccourci par certains, qui ont vite confondu le christianisme avec l’Europe, l’Eglise avec Charlie Hebdo qui a aussi caricaturé de façon grossière Jésus, la Vierge Marie et le Pape".

Les Burkinabè-chrétiens et non chrétiens "tous solidaires, présentent leur compassion à leurs sœurs et frères du Niger, avec tout le souhait de les revoir tous engagés à reconstruire le beau climat de dialogue inter religieux et de cohésion sociale qui a toujours été une caractéristique du peuple nigérien" a assuré le Cardinal Philippe Ouédraogo

Serge Xavier Oga




+Philippe Cardinal OUEDRAOGO

Archevêque métropolitain de Ouagadougou



Prière et appel du pape François pour la paix au Niger

Le mercredi 21 janvier, lors de l'audience générale, le pape François a prié pour le Niger et a aussi appelé pour la paix au Niger. "Je voudrais maintenant vous inviter à prier ensemble pour les victimes des manifestations de ce dernier jours au bien-aimé Niger. On a commis des brutalités contre les enfants, contre les églises. Invoquons le Seigneur pour le don de la réconciliation et de la paix, pour que le sentiment religieux ne devienne jamais une occasion de violence, de domination ni de destruction. On ne peut pas faire la guerre au nom de Dieu", a déclaré le pape.

Le pape a prié pour "que puisse être rétabli, le plus vite possible, un climat de respect réciproque, et de coexistence pacifique pour le bien de tous. Prions la Vierge Marie pour la population du Niger. Ave Maria."
Hier soir, Monseigneur Ambroise a accueilli un groupe de fidèle qui remontait de Zinder sur Niamey afin d'oublier un temps soit peu les horreurs qu'ils ont vécu ses derniers jours. Monseigneur Ambroise leur a transmis toute la compassion du nonce apostolique qui prie pour le Niger. 
Serge Xavier Oga

mercredi 21 janvier 2015

Nous ne sommes pas seuls dans l'épeuve

Après tout ce que nous avons vécu, nous sommes comblés par l'élan de solidarité ici et ailleurs. De façon unanime, les actes ont été condamnés et ce qui nous réjoui c'est votre solidarité.  J'ai décidé de publier quelques extraits des bonnes œuvres

Du Niger:
"certains jeunes musulmans ont décidé d'aller " à la rencontre de la communauté chrétienne pour leur témoigner notre désolation et présenter nos pardons au nom de la jeunesse nigérienne. Nous présenterons nos condoléances aux familles qui ont perdu des âmes lors de ces activités du 16 et 17 Janvier. Toutes actions que nous pourrons faire ne pourront jamais définitivement dédommager les pertes en vies humaines, les pertes des commerces, les pertes des églises.Par conséquent, je propose qu' à travers des dons symboliques de 100f, 500f ou 1000 f nous mobilisons quelques choses pour faire un geste".

"Une pétition en ligne : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Musulmans_du_Niger_Reparation_des_degats_causes_a_la_communaute_chretienne/

De la France"Nous sommes de tout cœur avec vous tous. N'hésitez pas à nous demander de faire passer des messages en France. Merci de nous tenir informés de l'évolution de la situation. Nos prières vous accompagnent !"

"Très uni à vous en ce moment de grande souffrance. Courage et que ces événements révèlent le vrai visage de Dieu-Amour-Miséricorde-Vérité. Que Dieu bénisse tous vos efforts pour ramener (difficilement je le sais bien) la paix dans les cœurs, les familles qui ont tout perdu, et dans toute la raison. Union de prière"

"Chers amis de Zinder et du diocèse de Maradi, je prends connaissance à l'instant de ce qui vient de se passer à Zinder, et je suis bouleversé avec vous, d'autant plus que je connais la ville de zinder où je suis allé plusieurs fois entre 1993 et 1997. Je vais informer les chrétiens d'ici de ce que vous subissez à cause de nous, français. Ici les gens n'ont pas conscience des répercussions ailleurs de ce que publient nos médias. Demain soir et dimanche, je vais demander aux chrétiens de la paroisse de prier pour vous, pour que le Seigneur vous garde dans la force de la foi, et dans l'espérance. Très fraternellement avec vous"

de l'Irlande "Bonsoir et grand merci pour ces nouvelles. Elles ne sont pas du tout bonne mais je suis contente de les avoir. Cela me permet de prier pour le Niger".


Nous avons aussi reçu d'autres centaines de messages de solidarité et nous remercions les uns et les autres.

mardi 20 janvier 2015

Monseigneur Michel "sous le choc"

Au Niger, 90 personnes ont été arrêtées dimanche après un week-end marqué par les violences. A Zinder, deuxième ville du pays, plus de 300 chrétiens se trouvaient toujours dimanche soir sous protection militaire. Vendredi, des manifestants descendus dans la rue pour condamner la caricature du prophète Mahomet, publiée la semaine dernière par l'hebdomadaire français Charlie Hebdo, avaient brûlé un drapeau français et mis le feu à la plus grande bibliothèque de la ville, celle du Centre culturel franco-nigérien. La dizaine d’églises que compte Zinder avaient été brûlées ou saccagées. Samedi, ces violences ont touché la capitale Niamey.

Selon la police nigérienne, au total 45 églises ont été incendiées samedi à Niamey durant les émeutes.Un orphelinat et une école chrétienne ont également été pillés avant d'être incendiés. Les manifestations ont fait cinq mort et 128 blessés. 189 personnes ont été interpellées. Le ministre de l'Intérieur a dénoncé la présence d'étendards du groupe islamiste nigérian Boko Haram dans les manifestations de Zinder, une ville proche du Nigeria. 

Mgr Michel Cartatéguy, archevêque de Niamey, dit toute son incompréhension et son inquiétude. Il est interrogé par Jean-Baptiste Cocagne.
« Nous sommes encore sous le choc » déclare t-il. « 12 églises sur 14 ont été complétement pillées, saccagées, profanées. Tout est brulé (…) il ne reste plus rien, tout est ruines et poussières ». « Seule la cathédrale est encore debout, mais pour combien de temps ? » s’interroge Mgr Cartatéguy. L’archevêque de Niamey dit avoir réuni ce lundi matin les prêtres et responsables des communautés « pour prier en silence et méditer sur l’amour des ennemis ».« Nous sommes peut-être, souligne t-il, en train de vivre l’agonie de Jésus dans nos propres corps ».

Heureusement, « nous avons des témoignages forts de solidarité de la communauté musulmane ». Mgr Cartatéguy indique que « plusieurs religieuses ayant tout perdu ont été protégées et sont encore dans des familles musulmanes ». « Nous n’avons rien contre la communauté musulmane et sur place nous n’avons aucun problème avec elle », insistet-il, soulignant que les responsables de ces actes « sont des gens qui sont manipulés ». Face à cet embrasement, l’archevêque de Niamey demande« une protection à outrance de la part des autorités » et exprime son inquiétude : « cela pourrait continuer (…) on est en train de repérer les chrétiens qui sont dans la ville ».
article publié le 19 janvier 2015 par Radio Vatican

Zinder, l’Évêque de Maradi au chevet des siens

Hier lundi 19 octobre, Monseigneur Ambroise Ouédraogo est allé à Zinder pour soutenir les chrétiens secoués par les événements de ces derniers jours. L’évêque qui participait à une réunion de la conférence épiscopale a abrégé son séjour au Burkina Faso pour rejoindre son diocèse afin de coordonner les actions. Il était à Zinder à la tête d’une délégation de la Caritas diocésaine qui a volé au secours des fidèles qui sont toujours dans leur grande majorité sous protection au niveau de la Garde Nationale et de l’Infirmerie de la caserne militaire. Sur place, la vie s’organise avec les moyens de bords. Caritas a apporté des nattes, des couvertures, des vivres, et des ballons pour les enfants qui ont aussi vécu et vu les atrocités subis par leur parent.

Dans la cour de l’infirmerie militaire qui les accueille, les fidèles ont prié. Au cours de la messe, l’émotion était visible sur tous les visages. La célébration était entrecoupée par les pleurs et les sanglots. « Nous sommes vivants et nous rendons gloire à Dieu » c’est l’expression qui est revenue constamment à chaque intervention.
la messe de ce matin. le Père Ghislain la main droite bandée est très éprouvé.


Monseigneur Ambroise a demandé aux fidèles de méditer les événements de ces derniers jours dans leur cœur et de tout pardonner. Ces événements interviennent pendant l’année jubilaire des 75 ans de la paroisse Sainte Thérèse de Zinder. Après la messe, une réunion a permis de recenser les besoins et de voir comment organiser la suite. Certains ont émis le désir de se retirer provisoirement de Zinder pour se ressourcer. Beaucoup ont tout perdu. D’autres ont aussi décidé de rester. Sur le deuxième site, au niveau du camp de la Garde Nationale, sur les visages fatigués, se lisaient l’émotion. Sœur Florès organise comme elle peut la vie à l’intérieur. Avec l’évêque, les fidèles ont partagé le repas de la veille réchauffé. Le réconfort était réciproque.
ce qui reste de la maison des sœurs de l'Assomption
L’évêque a aussi rencontré le gouverneur pour lui faire part de sa honte et de son choc après tout ce qui est arrivé. Mgr Ambroise lui a dit que tous les services de la mission catholique sont fermés sur toute l’étendue de son diocèse jusqu’à nouvel ordre. En effet, les enseignants sont choqués par ce qui est arrivé et ne sont pas prêts de reprendre la craie. Certains enseignants musulmans des écoles missions ont été aussi menacés parce qu’ils travaillent avec les chrétiens. Les fidèles n’ont plus de lieux de culte et sont traumatisés. Certains n’ont plus de domiciles et ont peur. Le gouverneur a déclaré aussi avoir honte de ce scénario que personne n’avait prévu. « Nous n’avions pas imaginé un seul instant ce qui est arrivé. Tout le monde a été pris de court » a dit le gouverneur. Il a assuré l’Évêque, qu'il fera tout pour assurer la protection des chrétiens et de leur bien. 

L’Evêque est ensuite parti visiter ce qui reste de la mission catholique. En réalité, il ne reste plus rien. Tout a été pillé, brûlé. Les casseurs n’ont rien épargné. Il ne reste rien de l’école mission que les murs qui ont résisté aux flammes. Le mobilier a été emporté ou détruit. De la maison des pères, il ne reste plus rien. Les voitures, les appareils électroménagers, rien ne reste. A l’intérieur de l’Eglise, il ne reste plus rien. La violence des flammes montre que les vandales n’étaient pas des enfants. Ils ont aspergé minutieusement les recoins avant d’y mettre feu. Ils ont taillé à la hache et au burin des trous dans les murs de clôture pour accéder à l’intérieur à plusieurs endroits. Selon plusieurs témoins qui n’ont pas eu le courage de s’interposer à cause d’un rapport de force défavorable, la logistique était constituée de bidons de 25 litres d’essence acheminée et le ravitaillement était constant. Chez les sœurs, le spectacle est le même. De cette maison d’aide, il ne reste que les murs noircis par les flammes et des documents qui jonchent la cour. Les sœurs et les pères n’ont plus rien. Le curé de la paroisse n’a plus de vêtement, il a un pantalon retroussé qu’un fidèle lui a donné. Il n’a plus d’aube, il n’a plus de chasuble, il n’a plus rien mais il est toujours au chevet de ses brebis et cherche les moyens pour leur donner le moral. Les aubes, le vin de messe, les chasubles de la messe de ce matin ont été octroyés par la paroisse de Maradi dont le curé a fait le déplacement de ce matin. Dans les ruines de ce qui reste de son bureau, le P Léo plaisante. « Je reviendrai vivre et travailler ici Inch Allah » a dit le curé à l’Evêque avec sourire.

Père Léo au milieu des siens
Le choc est immense. Les cœurs sont brisés. Les fidèles ne comprennent pas.  Personne ne comprend l’origine réelle de cette colère qui s’est poursuivie dans les quartiers. Plusieurs domiciles, plusieurs boutiques de chrétiens ont été saccagés, brûlés. A l’heure du pic, ils étaient 32 fidèles acculés dans une pièce qui brûlait à la mission catholique. Ils avaient fui leur maison pour trouver refuge à la paroisse. Heureusement, la sœur Josée a eu le réflexe de l’infirmière pour jouer les pompiers. Les manifestants ont tenté de forcer la porte mais ils n’ont pas pu. La sœur a continuellement hydraté les uns et les autres avec de l’eau pour leur empêcher de suffoquer et d’inhaler de la fumée. Les manifestants sont ensuite partis à la recherche des pères en pensant sans doute que les flammes auront raison des 32 malheureux mais Dieu a délivré les 32 personnes. Pour sauver leur vie, les pères de leur côté ont dû sauter par leur mur. Même blessés, ils ont été poursuivis en suivant les traces de leur sang. Si je suis encore en vie, c’est parce « qu’un vieux m’a caché » explique le P Ghislain blessé à la main gauche. Ce vieux héros a résisté aux jeunes qui insistaient pour qu’il lui livre les disciples du Christ réfugiés sur son toit. Après le départ des jeunes déchaînés, le vieux a stoppé leur saignement avec de la cendre et a participé à leur exfiltration de la maison.
Sr Josée Myriam l'infirmière du dispensaire qui soigne 40.000 malades chaque année. 
Au niveau de la grotte mariale, il ne reste que les pierres et les sièges en béton. Même l’autel n’a pas été épargné. Le terrain de basket qui servait pour les élèves et les jeunes du quartier a subi les mêmes violences. Même le support des paniers de basket solidement ancrés dans le béton ont été détruits. Les vivres ont été emportés, les biens pillés. Les animaux ont aussi payé le crime de leur propriétaire. Ils ont été soit volés ou éventrés vivants et jetés dans les flammes. La mission catholique de Zinder n’a plus de moyens roulants. Seule une vieille voiture  à l’extérieur de la paroisse a été épargnée et a été utilisée pour ramasser les chrétiens coincés dans leurs quartiers.

ce qui reste de l'autel de la grotte mariale
Malgré tout, les chrétiens ont décidé de pardonner. Certains sont à leur troisième casse. La dernière remonte seulement au 12 septembre 2012. Mais l’attaque du 16 janvier 2015 a été la plus violente. Ils ne comprennent pas l’origine de ce problème qui s’est répandu à d’autres villes du Niger. Ils ne comprennent pas comment en un temps record, certains de leurs frères qu’ils connaissent sans doute, ont voulu les tuer pour la faute d’un journal irresponsable. Aujourd’hui, c’est tout le pays qui est sous le choc et le gouvernement a décrété trois jours de deuil. Dans les camps, plusieurs musulmans sont venus partager les douleurs de leurs amis, de leurs frères et sœurs. Les retrouvailles se font dans les pleurs mutuellement. Certaines familles chrétiennes sont hébergées par des amis musulmans en attendant le retour au calme. D'autres veillent sur les domiciles de leurs frères et sœurs en exil temporaire sous protection militaire.
l'assemblée en pleine méditation
En achevant cet article, je revois encore, les visages  des jeunes enfants qui ne comprennent pas ce qu’ils ont fait pour mériter un tel sort. Je revois ces mamans, ces hommes, qui pleurent et qui ne retrouvent plus le sommeil. Je revois encore le visage de Père Ghislain qui n’a pas pu retenir ses larmes au cours de la messe. Je revois le visage de sœur José qui a été le héros des 32. Je revois le Père Léo malgré les circonstances au milieu de ses amis alors que son ambassade insiste pour qu’il quitte le Niger et retrouve son Inde natal. Je revois les visages de sœur Florès, sœur Véronique, Désiré, Jules, Cédric, Mathias, Paulin, et tous ceux dont je ne connais pas les noms mais qui sont solidaires malgré les pleurs et qui magnifient Dieu. Je revois encore le visage de ses militaires, policiers, gendarmes, … qui vendredi, samedi, ont sauvé des vies humaines au péril de leur propre vie. Je revois aussi le visage de ces jeunes, de ses enfants, de ses vieillards qui se sont acharnés sur leurs frères sans raison réelle. Je revois encore le visage de tous ses amis qui sont venus sauvés des chrétiens, bref, ils ont sauvé la foi, ils ont accompli des actes au péril de leur vie. 

Le Niger décrète un deuil national de 3 jours à compter du lundi 19 janvier

Le Niger a décrété un deuil national de trois jours observé depuis hier sur toutes l'étendue du territoire nationale suite aux manifestations des 16 et 17 janvier à Zinder puis à Niamey. Ces manifestations publiques non autorisées et d'une rare violence ont entraîné la destruction d'églises, des résidences et autres biens publics et privés. Le bilan est lourd et fait état de 10 personnes  ont tuées et à la mémoire des victimes, un deuil national de trois jours a été décidé et les drapeaux seront mis en berne sur toute l'étendue du territoire national.

Le communiqué officiel du gouvernement mentionne leur nom:
" À Zinder :
• L'Adjudant Kalam Adé, Commandant Adjoint de l'Escadron de Gendarmerie de Zinder, 53 ans ;
• M. Moussa Siradji, 35 ans;
• M. Abdoul Razak Moutari, 20 ans ;
• Et deux personnes dont les corps restent non encore identifiés.
 À Niamey :
• Mme Florence Dovi, 35 ans ;
• Salissou Moumouni, 28 ans ;
• Ismaël Hassoumi, 16 ans
• Oussama Abdoulaye, 13 ans
• Moussa, (sans autres précisions), trouvé mort dans l'Eglise CELPA, sise au quartier Dar-Es-Salam".

En cette douloureuse circonstance, au nom du Président de la République et du Peuple nigérien, le Gouvernement, "présente ses condoléances attristées aux parents des victimes ; souhaite un prompt rétablissement à toutes les personnes blessées ; assure les personnes victimes de vandalisme de sa solidarité et de son soutien; 4. dit que les auteurs, co-auteurs et complices de ces actes criminels seront recherchés et punis conformément à la loi".
Serge Xavier Oga

dimanche 18 janvier 2015

Niger, kaléidoscope d’une colère sans précédent.



Après Zinder vendredi, c’était au tour des chrétiens de Niamey de subir la colère des casseurs hier toute la journée. Les paroisses catholiques Saint Paul, Saint Augustin, Saint Gabriel, Sainte Thérèse, Saint Jean, Saint Joseph de Niamey ont connu des incendies et des pillages, ainsi que les maisons des Sœurs OCPSP, de Gethsémani et de la Charité.
D’autres églises évangélique ont aussi connu le même sort. L’Église EEERN de Bokoki a été entièrement brulée. Les casseurs se sont pris aux domiciles de chrétiens à Niamey et à Zinder.


A Maradi la situation est sous contrôle. Les forces de l’ordre protègent les églises. Le vendredi, des inconnus ont tagé les paneaux dans le secteur de la cathédrale et certains ont jeté des pierres sur l'édifice.


A Zinder, les chrétiens environ 300, très perturbés ont été regroupés dans les camps militaires.Ce dimanche, plusieurs chrétiens n’ont pas pu prier dans leurs lieux de culte. Au regard de la situation, les évêques ont demandé à toutes les paroisses de Niamey de suspendre la célébration eucharistique du dimanche 18 janvier 2015.A Zinder, les fidèles ont prié dans leur exil temporaire. A Maradi, pour éviter toute surprise, la messe dominicale n'a pas eu lieu. La solidarité chrétienne se met en marche pour venir en aide à ceux qui ont tout perdu.
Tous les chrétiens sont dans l'incompréhension totale, mais restent fermes et unis dans la prière pour que l'amour soit plus fort que la haine et la violence.

Hier soir, dans un message à la nation, le président de la république a condamné cette violence gratuite."Ce qui s’est passé chez nous hier à Zinder et aujourd’hui à Niamey nous interpelle nous interpelle" a dit le président dans son allocution. Il a aussi dit aux nigériens que "ces églises qui sont brûlées, pouvons-nous accepter qu’elles le soient au nom de notre religion ? De quel tort sont coupables les églises et les Chrétiens du Niger ? Ceux qui pillent ces lieux de culte, qui les profanent, qui persécutent et tuent leurs compatriotes Chrétiens ou les étrangers qui vivent sur le sol de notre pays, n’ont rien compris à l’Islam. Ils donnent de notre pays si chaleureux et de nos populations si hospitalières, une très mauvaise image. Où, au juste, veulent-ils que s’en aillent nos compatriotes de confession chrétienne, en décidant de détruire leurs domiciles et de s’approprier leurs biens ? Savent-ils qu’en se comportant de la sorte, ils incitent les populations des pays où les musulmans sont minoritaires à profaner et à détruire les mosquées ? Savent-ils qu’ils portent un grave préjudice à nos nombreux compatriotes qui vivent dans les pays à majorité chrétienne ?"



Zinder, ce vendredi 16 janvier 2015 où les chrétiens ont eu chaud

Nous sommes à Zinder, à environ 900 km à l’Est de Niamey. C’est ici vendredi 16 janvier 2015, après la prière de vendredi que plusieurs manifestants ont décidé de réduire en cendre toutes les églises chrétiennes de la ville. Une à une, des orgues de jeunes déchaînés ont tout pillé, avant de mettre le feu à tous ceux qui est religieux. Rien n’a échappé à leur colère. Le mobile officiel était la protestation contre la dernière caricature du prophète Mahomet publié par la parution du mercredi 15 janvier 2015. « Nous ne comprenons pas ce qui nous arrive, je n’avais jamais imaginé que cela allait se produire » nous explique un jeune de la paroisse de Zinder. Et pourtant cela est arrivé. La situation était prévisible mais ni les autorités ; ni les fidèles chrétiens ne s’attendaient pas à un tel déchainement de colère. En effet, après la circulation des SMS appelant à la manifestation via les messageries, les pasteurs et les prêtres ont alerté les autorités régionales qui ont rassuré tout le monde que la situation serait sous contrôle. Les autorités régionales avaient sous estimé l’ampleur de ce qui a emporté toutes les églises de Zinder, la majorité des églises de Niamey,...A Zinder, le dispositif sécuritaire ne pouvait pas contenir cette foule en colère.
 L’élément déclencheur
Les manifestants qui n’ont pas déposé une demande de manifestation et qui n’ont ni leaders officiels affiché, ont décidé de protester contre la une de l’édition du mercredi 15 septembre de l’hebdomadaire satirique français. C’est le mobile officiel de cette colère sans précédent. Ils ont donc déversé leur colère sur les chrétiens du Niger. Les forces de l’ordre ont vite compris dès les premières heures des manifestations qu’il fallait plutôt se consacrer à sauver des vies humaines plutôt qu’à protéger des lieux de cultes. La foule était trop nombreuse pour la contenir. A l’Église Catholique, il ne reste plus rien dans l’église, dans la maison des sœurs, l’école catholique. La cour de la mission catholique ressemble à un champ de bataille. Hier samedi 17 janvier, les pompiers étaient encore en action. Les manifestants ont percé des trous béants dans les murs pour pouvoir accéder à l’intérieur. Certains ont volé. Ils ont pillé les vivres, emporté l’argent, les ordinateurs, les instruments de musiques, les chaises. Ils se sont emparés des biens privés, des biens de l’église avant de verser de l’essence pour bien consumer ce qui pouvait bruler. Mêmes les animaux ont subi la colère de cette foule qui ne savait pas ce qu’elle faisait.

La statue de la vierge Marie a été décapitée et les objets pieux ont été saccagés sans ménagement. A l’école mission, rien n’a résisté. La direction, les classes, tout a été saccagé. Des dossiers des enfants, il ne reste plus rien. Pourtant cette école scolarise à 98% des enfants musulmans. C’est une école qui forme depuis plus de trois décennies les enfants nigériens. Les pères et les sœurs n’ont eu la vie sauve qu’en escaladant le mur. Trois prêtres ont été légèrement blessés à la main dans leur tentative d’accéder à la liberté de la vie. « J’ai vu la mort en face. Mais par la grâce de Dieu, je suis encore vivant » confie avec humour le père Léo curé de la paroisse. Dans le camp qui les accueille, le père est au chevet de ses brebis. Il veille à ce que les uns et les autres puissent retrouver une paix intérieure.

Rien n’a résisté à cette colère.
                                                    Toutes les autres églises ont subi la même colère. Tout a été brulé sans ménagement. Dans le quartier Birnin, à 500 mètres du sultanat de la ville, une famille n’a eu la vie sauve qu’avec l’intervention des voisins musulmans. Abba Moussa Moustapha est natif de Zinder de père et de mère et est âgé de 73 ans. Il est le fils du premier chrétien du Niger. Sa famille est chrétienne depuis 1924. Il était assis dans son salon et il a vu débarquer un groupe de casseur. « Ils se sont mis à tout casser et nous nous sommes retirés au salon pour les laisser faire. Ils ont volé tout ce qu’il pouvait emporter avant de mettre le feu » déclare le vieux pasteur. Prisonnier des flammes, lui et sa famille ont commencé par suffoquer. « Les gens du quartier ont vu la fumée et ils ont accouru pour nous secourir » ajoute le pasteur Abba Moustapha. Il nous amène à la fenêtre par où il a eu droit à une nouvelle vie. Il ne s’attendait pas à pareille situations. Il nous montre fièrement le jeune qui est venu le secourir. Devant le portail de sa maison, quelques enfants jouent aux policiers pour amuser la galerie. L’un d’entre eux a fabriqué une kalachnikov en planche. Dans ce qui reste encore de son salon, le pasteur accueille ceux qui viennent lui témoigner de leur compassion. Certains ont versé des larmes en voyant le désastre dans cette maison qu’ils connaissent tous. Il était leur frère, ses enfants leurs fils. Ils sont tous natifs de Zinder. De son église, il ne reste que la toiture rougi par les flammes. Les ventilateurs ont tordu sous l’effet de la chaleur. De son autel de prédicateur de la Bonne nouvelle, il ne lui reste plus rien. Le plafond a fondu et les bois sont devenus du charbon. Dans la chambre de ses enfants, les cahiers sont devenus des cendres. Des lits, il ne reste de la ferraille. Ses vivres ont été pillés. Le pasteur Abba et sa famille n’ont plus rien à manger. Sans la solidarité des uns et des autres, il lui sera difficile de se remettre. Mais malgré tout ça, le vieux pasteur n’est pas rancunier « J’ai tout pardonné car ceux qui ont mis le feu à ma maison, ne savaient pas ce qu’il faisait » dit-il. Et il leur lance avec sourire : « j’invite ceux qui ont pillé ma maison, incendié mon église à apprendre mieux leur religion. Ils ne savent pas ce que signifie l’Islam. Ils doivent étudier bien leur religion et ils se rendront compte que l’Islam n’enseigne pas ce qu’ils ont fait ». Le pasteur demande aussi que la lumière soit faite. « Il ne faut pas passer une éponge sur ce qui s’est passé. Il faut que nous puissions tous apprendre de cette tragédie » a conclu le vieux.
Plus loin dans le même quartier, de l’Église des vainqueurs, il ne reste plus rien. Encore plus loin les enfants jouent sur ce qui restait des voitures d’une famille chrétienne. Cette maison habitait une famille chrétienne. Elle a été entièrement brulée. « Il n’a plus rien » confie son cousin. Pendant que les enfants jouaient sur ce qui restait, des adultes prennent de l’air à une dizaine de mètres. Ils regardent les enfants faire. Et sans doute cette indifférence qui sera encore fatale à cette maison. Ce voisin que ses jeunes à l’ombre connaissaient n’a plus rien. Mais en laissant les enfants envahir et continuer à vouloir démolir ce qui restait de cette maison de voisin mérite interrogation.

Le centre culturel,
Au centre culturel français, des jeunes élèves tentent de regarder ce qui reste de leur centre de savoir. Le centre culturel français est le seul centre de la ville qui pouvait offrir les ouvrages enseignés dans les écoles. Les enfants pauvres s’y rendaient pour lire Rousseau, Balzac. Ils n’ont plus rien à lire. L’espace culturel, le seul de la deuxième ville du Niger, est un amas de grava. A quelques mètres en descendant la rue, des enfants et des jeunes en colère viennent achever le service après vente. Ils sont venus détruire ce qui restait de cette bâtisse qui servait à adorer Dieu. Le portail résiste encore mais un homme s’acharne à enlever la seule pancarte qui montrait que ce lieu était une église. Les uns l’applaudissaient et les autres assistent impuissants à cet acte de vandalisme.

Les chrétiens ne comprennent pas

Les chrétiens ne comprennent pas qu’ils soient la cible idéale pour manifester cette colère contre Charlie Hebdo. « Je n’ai jamais entendu parler de ce choix. Je ne sais même pas à quoi il ressemble » affirme un jeune. Son père qui ne comprend pas non plus cette colère ajoute : « ce journal, n’est pas chrétien, ce journal n’est pas chrétien, il nous critique aussi, les raisons de cette colère sont ailleurs ».

Un autre lance : « ceux qui ont attaqué les chrétiens n’ont rien compris de l’Islam. Il partage aussi le sentiment légitime des musulmans qui se sont senti offensé après la publication mais nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes pris pour cible». Après le saccage des églises, les casseurs ont voulu s’en prendre aux chrétiens individuellement. Certains voisins se sont interposés. Dans la journée du samedi, tous les chrétiens étaient évacués de leur maison. Certains ont été évacués depuis vendredi. Ils sont plus de trois cents, à trouver refuge dans les casernes. L’armée assure leur sécurité et sous protection, une à une les derniers regagnent ce havre de liberté qui leur est donné.

Violences sociales ou protestations contre Charlie ou expression d’un malaise social

Si les uns et les autres ont voulu protester contre un malaise social, pourquoi avoir choisi une autre cible, pourquoi avoir choisi cette mauvaise forme de protestation. Ce sont des questions qui resteront éternellement sans réponse car la plupart de ces jeunes ne savent pas les raisons. Interrogé, certains, répondent vaguement « on nous a dit de faire ».

Qui sont-ils ?

Dans les ruines de la bibliothèque du pasteur, au cours de notre séjour risqué à Zinder, nous avons retrouvé ce journal consumé sauf la une. Cette Une titrait « qui sont-ils ? » La question aujourd’hui est de savoir qui sont ses jeunes, ses adultes, ses enfants qui ont protesté ainsi. Ils sont de Zinder. Ils ne sont pas à leur première casse. La dernière attaque contre les lieux de cultes remonte seulement à septembre 2013. Après la publication du film innocence of muslim aux USA, l’Eglise catholique de Zinder, l’école mission ont été brulées. Les mêmes sont encore revenus. Or les chrétiens du Niger sont des natifs du Niger dans leur majorité. Certains n’ont jamais quitté leur ville et ont grandi avec ceux qui les ont attaqués. Ces chrétiens n’ont aucune relation de près ou de loin avec Charlie Hebdo. Le Dieu de ses mêmes chrétiens sont caricaturés par le même journal anti religieux, ce journal irresponsable qui use de la liberté d’expression pour vendre et se faire du fric. Ainsi donc, des chrétiens à des milliers de kilomètres de Paris paient pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.

Certains musulmans, pensent que les jeunes auteurs des exactions n’ont rien compris de leur religion. « Nous devons apprendre et comprendre nous-mêmes ce que notre religion nous enseigne. Je refuse que notre religion soit utilisée ainsi. L’Islam c’est là paix, l’amour du prochain » affirme un jeune musulman qui a protégé des chrétiens.

Le défi aujourd’hui est de réconcilier les cœurs, de ramener le calme véritable dans une ville en colère, sans doute contre un autre motif mais que Charlie a permis d’exprimer. Il faut aller à leur rencontre, les écouter, les enseigner. C’est aujourd’hui le défi à relever par le Niger. Il faut enseigner le vivre ensemble, la manifestation pacifique pour dénoncer. Il faut soigner les cœurs et éviter que les mêmes personnes se déchaînent contre des pauvres chrétiens.


Qui doit reconstruire ?

Vu l’ampleur des dégâts, il sera souhaitable que ce soit l’État qui remette en état les lieux de cultes. Cette manière sera une compassion. Il faut joindre les actes à la parole. Il ne faut pas se contenter de dénoncer. Ce discours ne tient plus. Il faut aller au-delà. Les chrétiens du Niger étant des citoyens de ce pays, il faut un geste fort. Le discours du président hier à la télé va dans le bon sens. Mais ce discours doit être traduit dans les faits. Il faut instruire ses milliers d’enfants qui ont participé aux casses afin de leur faire comprendre le vrai sens de la vie. Autrement, ils garderont cette haine dans leur cœur à jamais. L’ignorance nourrit les cœurs et il faut pacifier les cœurs. En clair, le Niger a besoin de soigner dans la durée. Il faut éviter que ces enfants puissent garder en eux ce qu’ils ont fait et ou en vue

Prendre les chrétiens pour des boucs émissaires, c’est se tromper de cibles, c’est sans doute le défi qu’il faut relever et les oulémas ont un rôle à jouer. personne ne comprend les mobiles de cette violence sans précédent. En quittant Zinder, je ne comprends toujours pas. Je ne comprends pas ce qui est arrivé. Je ne comprend pas ce qui justifie une telle colère.
Serge Xavier Oga