Violences contre les chrétiens au Niger, je me souviens encore et encore
comme si …!
Demain 16 janvier, cela fait 365 jours que les chrétiens du Niger ont été
la cible d’une colère infondée. Officiellement les émeutiers très bien
organisés, protestaient contre une publication d’un journal lointain dont les
chrétiens nigériens dans leur majorité ne savait pas à quoi il ressemblait.
Malheureusement, ils ont payés pour les conneries de Charlie Hebdo. Le 16
janvier 2016, les lieux de culte de Zinder ressemblaient à un champ de ruine.
Rien n’a résisté à la colère des casseurs. Même les animaux ont été brûlés vifs. Ensuite s’en
est suivie une chasse aux chrétiens dans la ville obligeant les chrétiens
innocents à se réfugier dans les casernes. Hormis d’avoir incendié ce qui
pourrait l’être, le peu qui restait a été pillé. Un an après, je me souviens
comme si c’était comme aujourd’hui. On ne ferme pas en un laps de temps
une plaie si béante. Je me demande encore comment l’homme, cet ami, ce voisin
de tous les jours a pu se laisser manipuler de la sorte au point de me
confondre avec ce que je ne suis pas.
Nous étions dans un Zinder fumant, gémissant et pleurant dans une vallée de
larmes que Niamey la capitale à 900 km de là, le samedi 17 janvier s’embrase.
En moins de deux heures, la quasi-totalité des églises ont été pillées,
incendiées,…Chrétiens nous n’avions plus de larmes pour pleurer. Nous étions
peinés, hébétés. Nous nous demandions si c’est ainsi que nous allions désormais
vivre l’agonie du Christ. Nous savions une épée planée sur nos têtes mais nous
ignorions qu’elle était si limée et si féroce pour tout détruire en un temps
record.
Je pourrais écrire des lignes et des lignes mais je retiens quelques
morceaux choisis. Ne m’en voulez pas si je n’ai pas été à la hauteur. Je fais
mon mea culpa.
Revenons à Zinder ce vendredi 16 janvier, un vendredi comme celui
d’aujourd’hui ; officiellement personne ne savait ce qui se tramait mais
des rumeurs largement relayées ont circulés d’après plusieurs témoins pour
annoncer ce qui devrait se passer. Officiellement, aucun visage n’est associé à
cet événement. Officiellement tout a été spontané. Nous n’allons pas réécrire
le passé. Ceux qui ont tout préparé savent qu’ils ont fait et c’est déjà un
motif de satisfaction que de savoir que ceux qui ont tout préparé savent qu’ils
ont attribué à anéantir de saints innocents ; ils ont voulu faire périr
des gens qui n’ont pas commis les péchés qu’on leur a inventés pour les faire
mourir. C’est hypocrite de croire ce qu’ils disent.
Une chose est sure, nous sommes tous coupables. Ce qui est arrivé le 16
janvier 2015, a pour père les médias. Ce sont les médias toutes tendances
confondues qui ont relayé des propos discourtois, des propos inacceptables à la
suite de la marche historique de Paris où tout le monde entier a marché contre
le terrorisme. La présence du président de la république du Niger accompagné
des leaders religieux du Niger à cette marche a été diversement appréciée au
Niger. Société civile, prêcheurs, journalistes, enseignants, …tout le monde y
est allé de son commentaire parfois malveillant. Les opposants au président de
la république ont récupéré cet instant solennel et ont exploité toutes les
cordes sensibles pour jeter de l’huile sur le feu. Evidemment quand les médias
en ont fait leur chou gras, la communication gouvernementale au début
silencieuse a tenté de reprendre la main mais le dé était déjà jeté. Le
résultat, les chrétiens du Niger ont payé pour le péché commis par un journal
du bout du monde. Le porte-parole du gouvernement a justifié la participation
du président nigérien à la marche du 11 janvier car dit-il, à travers sa participation à la marche, le président
Mahamadou Issoufou voulait "témoigner au gouvernement et au peuple
français éprouvés l'amitié et le soutien du peuple du Niger". Aussi,
" le geste du Président de la République, en tant que Chef d’État d'un
pays de confession musulmane à plus de 98%, vise à contribuer à empêcher les
amalgames si courants par ces temps où en Europe, l'islamophobie est exploitée
à des fins politiciennes". Le résultat, nous avons payé le
fort prix par nos églises.
Pendant que nous églises fumaient encore, que nos cœurs étaient pétris de
chagrins, l’opposition nigérienne se met à marcher. Moi chrétien, nigérien, je
n’ai pas compris ce timing. Je me suis demandé si les chrétiens du Niger
n’étaient pas citoyens pour mériter compassion et que devant un drame si grave,
on ne puisse pas ranger les arcs politiques pour un chapelet de compassion.
Nous étions frappées dans ce que nous avons de plus intime, la foi.
Mais nous ne sommes pas les seuls et nous ne serons malheureusement pas les
derniers concernés. Nous avons tenté de mondialiser la solidarité, et nous nous
sommes rendus compte que la chose la mieux partagée aujourd’hui semble être le
terrorisme. Le Niger vivant dans ce village planétaire, ne peut pas être
neutre. A ceux qui à la moindre occasion versent de l’huile sur le feu,
opposons leur du sourire. A ceux qui refusent de souhaiter un joyeux Noel aux
chrétiens, prions pour eux. L’amour du prochain est notre boussole.
De ce drame qui nous est arrivé, je retiens :
De Rome, la prière du Pape,
Le Père de l’Eglise Universelle a prié pour nous ses frères et sœurs.
C’était le mercredi 21 janvier, lors de
l'audience générale. "Je voudrais maintenant vous inviter à prier ensemble
pour les victimes des manifestations de ce dernier jours au bien-aimé Niger. On
a commis des brutalités contre les enfants, contre les églises. Invoquons le
Seigneur pour le don de la réconciliation et de la paix, pour que le sentiment
religieux ne devienne jamais une occasion de violence, de domination ni de
destruction. On ne peut pas faire la guerre au nom de Dieu". Le
pape a prié pour le Niger entier et je me réjouis que le Saint Père ait prié
pour toutes les victimes.
Les églises des pays voisins,
Du Burkina Faso, la compassion et la consternation
Au nom de la conférence épiscopale Burkina Niger,
l’archevêque de Bobo nous a réconforté et a marqué la solidarité de
l’Eglsie de Dieu qui est au Faso : « Les chrétiens du Niger ne sont pour rien
avec ces caricatures. Ils ont toujours respecté les musulmans et n’ont fait que
chercher à vivre l’amitié avec les musulmans, à participer à l’instruction et à
l’éducation des enfants musulmans, à apporter leur contribution pour faire face
aux calamités qui adviennent. Afin de marquer notre solidarité avec nos frères
chrétiens du Niger, nous demandons aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté
d’observer le mercredi 28 janvier 2015, une journée de jeûne et de prière pour
nos frères du Niger ».
De l’Algérie, Mgr Paul Desfarges, Evêque de
Constantine et Hippone
« Cette montée de
violence est d’autant plus incompréhensible que depuis longtemps vous vivez des
relations amicales et fraternelles avec vos frères et sœurs musulmans et
musulmanes. Nos Eglises partagent cette même mission de vivre le dialogue de
vie et la fraternité avec tous et d’abord avec nos proches de confession
musulmane. Chers frères tenez bon dans l’Espérance au cœur de l’épreuve ».
De Niamey, le président
de la république du Niger :
« Mes chers Concitoyens, Ce qui s’est
passé chez nous hier à Zinder et aujourd’hui à Niamey nous interpelle. Ces
églises qui sont brûlées, pouvons-nous accepter qu’elles le soient au nom de
notre religion ? De quel tort sont coupables les églises et les Chrétiens
du Niger ? Ceux qui pillent ces lieux de culte, qui les profanent, qui
persécutent et tuent leurs compatriotes Chrétiens ou les étrangers qui vivent
sur le sol de notre pays, n’ont rien compris à l’Islam. Ils donnent de notre
pays si chaleureux et de nos populations si hospitalières, une très mauvaise
image. Où, au juste, veulent-ils que s’en aillent nos compatriotes de
confession chrétienne, en décidant de détruire leurs domiciles et de
s’approprier leurs biens ? Savent-ils qu’en se comportant de la sorte, ils
incitent les populations des pays où les musulmans sont minoritaires à profaner
et à détruire les mosquées ? Savent-ils qu’ils portent un grave préjudice
à nos nombreux compatriotes qui vivent dans les pays à majorité
chrétienne ? »
Nous avons reçu d’autres messages de
soutien du Sénégal, du Bénin, du Togo, du Mali, du Nigéria, et du monde entier.
Nous n’avons pas été seuls dans l’épreuve et nous ne le serons jamais.
Je retiens aussi tous ses musulmans qui
ont agi pour nous protéger. Je dis heureusement que tout le monde n’est pas
pareil. J’étais à Zinder et ma famille à Maradi et le 17 janvier, et alors que
Maradi tentait de rallier la fausse route, un ami musulman est parti chez moi
prendre ma famille et a mis les miens à l’abri. D’autres chrétiens de Zinder
ont été cachés dans les maisons de musulmans avant d’être exfiltrés vers les
casernes.
Certains de nos frères du Bénin, du Togo
et d’ailleurs vivant depuis de longues dates au Niger, fatigués d’être la cible
régulière des amalgames ont décidé de s’en aller définitivement de ce pays.
C’est une perte pour nous. Certains ont tout vécu et le dernier événement
datait seulement de 2012. Cette année-là ; l’Eglise de Zinder a été brulée
à cause d’un film sorti aux USA. Ils sont rentrés fatigués de devoir tout
recommencer.
Nous étions focalisé sur ce qui est arrivé aux chrétiens et chacun y allait
de son commentaire quand le 9 février 2015, le pays tout entier est entré en
guerre contre Boko Haram. Les militaires nigériens, chrétiens et musulmans ont
rejoint les fronts pour mener le combat contre la secte qui continue d’attaquer
le pays. La nation s’est levée comme un seul homme. Les chrétiens sont
nigériens et ils ne sont pas Charlie, nous ne comprenons toujours pas pourquoi
bruler nos églises au nom de cette raison.
De tout ce qui nous est arrivé, une seule certitude : le chrétien doit
pardonner. Oui il doit pardonner mais cela n’exclut pas l’usage des lois de la
République pour décourager ceux qui pensent que les chrétiens sont des éternels
« pardonneurs ».
Heureux serons-nous si nous savons pardonner à ceux qui nous ont offensés. Comme nous l’a demandé l’ancien archevêque de
Niamey, Mgr Michel Christian Cartateguy, nous allons continuer de prier en
silence et méditer sur l’amour des ennemis. Nous n’avons pas un
autre choix si nous voulons demeurer fidèles au Christ.
Et ce matin le message de confiance de l’Evêque de
Maradi nous invite à l’amour du prochain et surtout à l’amour des
persécuteurs : « Vous avez entendu qu’il a été dit : « Tu aimeras ton
prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez
vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père
qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les
bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez
ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains
eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos
frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en
font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père
céleste est parfait. »
Je finis par ce message du Cardinal Philippe Ouédraogo qui dans une
lettre en date du 20 janvier 2015 a déploré l’amalgame "fait avec
raccourci par certains, qui ont vite confondu le christianisme avec l’Europe,
l’Eglise avec Charlie Hebdo qui a aussi caricaturé de façon grossière Jésus, la
Vierge Marie et le Pape".
Voilà un an déjà que notre vie n’est plus comme avant. Elle ne le sera plus
jamais mais malgré tout, nous devons espérer contre toute espérance. Je
me souviens encore de Hassana, cette veuve qui élevait seule ses trois enfants
et dont la seule maison héritage de son feu mari a été incendiée. Je me
souviens de tous ces visages fermés, léchés par la fumée errant dans une
caserne de Zinder. Je me souviens de ses jeunes ignorants essence et
machette à la main qui scandait "Dieu est grand "
et qui brûlaient à cœur joie nos églises, je me souviens de tout et tout ce qui nous est
arrivé a pour origine Pauvreté et ignorance et nous pouvons contribuer à
lutter contre ces deux maux qui fragilisent notre humanité entière et notre
pays en particulier. Avions-nous progressé depuis le 16 janvier 2015 au Niger?
Chacun a sa réponse.
Je termine ma pensée de ce matin par le Salve Regina que je vous invite à reprendre
avec nous:
Salut ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre consolation notre
espoir, salut !
Enfant d’Eve, de cette terre d’exil nous cirons vers vous ; vers vous nous
vous prions, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes.
Ô vous, notre Avocate, tournez vers nous vos regard compatissants.
Et après cet exil, obtenez-nous de contempler Jésus, le fruit béni de votre
sein, ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce Vierge Marie.
Merci à nos évêques pour cet encouragement perpétuel à nous laisser bercer
par la prière et faire de notre quotidien une œuvre de miséricorde, une
passerelle de dialogue permanent entre religion, entre croyants. Ils nous ont invités
à la miséricorde au quotidien avant que le Pape ne nous décrète une année de la Miséricorde.
Que Dieu fasse mûrir en nous tout ce qui contribue à son règne sur la terre comme au
ciel afin que nous soyons tout pour Jésus et par Jésus maintenant et pour les
siècles des siècles.
Serge Xavier Oga
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