vendredi 15 janvier 2016

Commémoration de l'an 1 des attaques contre les chrétiens au Niger, " Heureux serons nous si nous savons pardonner à ceux qui nous ont offensés " dixit Mgr Ambroise Ouédraogo

" CONFIANCE !  N’ayons pas peur !..."
16-17 Janvier 2015,
16-17 Janvier 2016. Déjà un an !
Aujourd’hui, nous  faisons mémoire dans le silence et la  prière, en nous souvenant des jours difficiles que nous avons vécu en voyant : nos personnes pourchassées et agressées ;  nos Eglises, nos écoles, nos maisons d’habitations, nos presbytères et les biens de nos chrétiens saccagés et brûlés par une foule révoltée de croyants musulmans au Niger, suite aux caricatures de « Charlie Hebdo » sur la personne du Prophète Mohamed en France. Ces journées des 16 et 17 janviers 2015 furent  des moments terribles, horribles et indescriptibles qui s’abattirent sur les chrétiens et qui furent organisés et perpétrés par des jeunes musulmans.

Aujourd’hui, un an après ces événements de violences, les souvenirs sont encore là, visibles sur le terrain à Zinder,  à Niamey ainsi que dans les localités où les chrétiens ont été victimes de la colère et des exactions des musulmans.

En initiant les trois jours (triduum) de prière, les 15-16 et 17 janvier 2016, nous voulons, dans la foi et l’espérance, prier le Seigneur et nous confier à Lui, nous abandonnant entre ses mains, Lui qui est le maître de la vie et de l’histoire. Nous voulons aussi porter nos frères et sœurs musulmans dans nos prières en imitant Jésus en croix qui n’a pas hésité à prier pour ces bourreaux en disant, les bras étendus sur la croix : « Père, pardonne- leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34). Nous n’oublions pas non plus, les paroles du Christ qui nous dit toujours : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime…Vous êtes mes amis, si vous vous aimez les uns les autres. » (Jn. 15, 12-13). Cet amour que le Christ nous invite à vivre et à témoigner, va jusqu’à l’amour de l’ennemi : « Vous avez entendu qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mathieu 5, 43-48).

Pour suivre le Christ, nous avons besoin de son aide et de son secours. Sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Mais avec Lui nous pouvons déplacer les montagnes. Demandons donc au Christ de nous donner la force et le courage de nous adosser à lui pour nous laisser conduire par son amour en cette Année Sainte de la Miséricorde ou le Pape François nous invite à vivre et à témoigner de la Miséricorde Dieu. 

Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, laissons-nous illuminer par les projecteurs de  l’Année de la Miséricorde. Les événements violents que nous avons vécus les 16 et 17 janvier 2015 nous invitent à réfléchir en nous adossant  sur l’Année de la Miséricorde  et à demander à Dieu de nous aider à voir et à comprendre ce que nous devons faire en tant que fidèles croyant en Dieu qui est Amour et tendresse, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité. » (Ex. 34,6). Faisons de ce Jubilé un temps favorable pour nous tous, afin qu’en regardant la miséricorde de Dieu qui dépasse toutes les limites humaines et qui brille sur la nuit du péché, nous devenions à notre tour, des témoins plus décidés et plus forts de cette Miséricorde divine.

L’Eglise nous donne de vivre l’Année Sainte pour connaître dans nos vies le pardon de Dieu, et sa présence à nos côtés, surtout dans les moments où nous en avons le plus besoin. Nous devons rechercher, chacun individuellement et tous communautairement, à faire « ce qui plaît à Dieu » en cette Année de la Miséricorde, pour être crédibles aux yeux des hommes et des femmes. Ecoutons donc ce que nous dit le Pape François : « La crédibilité de l’Eglise passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. L’Eglise « vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde ». Peut-être avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part, la tentation d’exiger toujours et seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Eglise doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif… Il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture… Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance. » (Miséricordiae Vultus N° 10).
Heureux serons nous si nous savons pardonner à ceux qui nous ont offensés. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt. 5,7).
Frères et sœurs, ne perdons pas l’espérance de nous voir en 2016, chacun, engagé fermement et avec confiance, à différents niveaux, à promouvoir la justice et à œuvrer pour la paix. Comme nous témoigne le Pape François, sachons que si  « la paix est don de Dieu, elle est aussi l’œuvre des hommes. Oui, la paix est don de Dieu mais don confié à tous les hommes et à toutes les femmes qui sont appelés à le réaliser.  Cette paix demande aussi un dialogue sincère entre les religions. » Raison pour laquelle il nous faut réfléchir et voir comment nous pouvons approfondir et rendre le Dialogue Islamo-Chrétien plus crédible et efficace au Niger. Cela nous demande de sortir et d’aller à la rencontre de nos frères et sœurs musulmans dans un esprit d’amour, de collaboration et de recherche, pour une vie sociale plus fraternelle. Evitons, comme nous le dit le Pape François, « de tomber dans l’indifférence qui constitue une menace pour la famille humaine... Nous devons vaincre l’indifférence qui nous menace et conquérir la paix ». Aussi, je voudrais que nous prenions en considération le milieu des jeunes pour mettre en place une pastorale d’accompagnement des jeunes. Ils sont l’avenir du Niger. Nous pouvons réaliser des merveilles si nous arrivons à faire en sorte que jeunes chrétiens et jeunes musulmans travaillent ensemble et collaborent pour mener des actions de solidarité communes dans le but de créer des liens d’amitié et de fraternité pour la promotion de la paix et de la justice.
Des initiatives d’actions sont déjà à l’œuvre dans la paroisse de Konni, dans le cadre du Dialogue Islamo-Chrétien. Nous espérons poursuivre ces initiatives dans les autres paroisses du diocèse avec la grâce de Dieu cette année.

Enfin, j’invite chaque baptisé à reconnaître comment l’indifférence et la peur se manifestent dans sa propre vie, et à adopter un engagement concret pour contribuer à améliorer la réalité dans laquelle il vit, à partir de sa propre famille, de son voisinage ou de son milieu de travail.
Aux permanents du diocèse : prêtres, religieux et religieuses, je nous invite à être des veilleurs, des éclaireurs avisés et des serviteurs au milieu de nos communautés chrétiennes et à aider chaque baptisé à vivre et à témoigner de sa foi chrétienne en vérité et avec amour au milieu de ses frères et sœurs musulmans. L’Eglise Famille de Dieu qui est au Niger ne peut pas faire l’économie du « Dialogue Interreligieux ». C’est pour nous une nécessité vitale et urgente dans notre pastorale d’évangélisation. L’occulter serait faire preuve d’ignorance qui mènera notre communauté vers un suicide pastoral.
Que Marie, Notre mère, nous accompagne et obtienne de son Fils Jésus, Prince de la Paix, d’exaucer nos prières et de bénir nos engagements quotidiens pour un monde fraternel et solidaire.
+ Ambroise Ouédraogo
Evêque de Maradi.
Maradi le 8 janvier 2016

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