vendredi 30 octobre 2015

Billet retour à Diffa, une ville qui espère contre toute espérance!

Camp de Gagamari à 30 km de Diffa
Il est 17 h 30 ce dimanche 11 octobre 2015 quand le chauffeur qui nous conduit, s'immobilisa à l'entrée de Diffa. Les derniers travailleurs se pressent à pied pour rentrer dans leur maison. Diffa vit depuis février 2015 sous un état d’urgence. Il n’est plus possible de rouler à motos dans toute la région. Le couvre-feu débute à 20 heures pour les voitures et à 22 heures pour les piétons. Diffa a connu plusieurs attentats kamikazes. Le dernier attentat remontait seulement au dimanche 4 octobre dernier. Ce jour-là, sous une pluie fine, dix personnes dont un gendarme et cinq civils ont été tuées dans quatre attentats-suicides perpétrés par des kamikazes du groupe islamiste Boko Haram au cœur de la ville de Diffa.

C’est dans ce climat que nous arrivons dans cette ville qui respire difficilement. Le soir, tout le monde se réfugie chez lui. Et nous avons fait pareillement. En ce moment à Diffa, il fait tôt nuit et la nuit devient vraiment une nuit noire. Durant cette nuit du dimanche 11 octobre, quelques bruits de coup de fusils ont raisonné au loin. Il est impossible de savoir d’où viennent les échanges. Une chose est sure, ce sont des échanges de coup de feu entre militaires et éléments présumés de Boko Haram. 

Le lundi12 octobre, les enfants nous prennent pour des Boko Haram.
Le lundi 12 octobre, il est 9 heures et le soleil brule déjà la peau. N’ayant pas encore appris les codes de la ville, nous sortons avec nos sacs d’ordinateurs. Alors que mon collègue et moi nous nous approchions d’une bande de jeunes enfants qui jouaient dans le sable, l’un d’eux s’exclama : « courons courons, ce sont des boko haram, ils ont la bombe dans leurs sacs ». Le groupe se disperse instinctivement. Ce premier incident nous replonge dans les réalités d’une ville qui vit avec des kamikazes, une ville où chacun semble se méfier de l’autre. Dans la journée, un tour en ville nous permet de prendre le pouls de la ville. Malgré la peur, la vie est presque normale à Diffa. Les élèves de la ville vont à l’école mais les gros sacs d'écoliers ont disparu. Dans les villages la situation est plus nuancée. Certaines écoles sont fermées. Dans les quartiers de la ville de Diffa, les interminables huttes faites de branches, de matériaux de récupération rappellent la présence de population déplacée. Diffa située à la lisière du Nigéria le long de la rivière Komadougou Yobé accueille du monde depuis novembre 2014 suite aux attaques de Malam Fatori, Baga, Damasaq,… La région de Diffa pauvre et régulièrement déficitaire sur le plan agricole se retrouve hôte de population qui fuie une grave crise humanitaire. C’est précipitamment que les réfugiés prennent la route de la région de Diffa. Ils arrivent et sans trop savoir où aller, se réfugient dans des familles. Chaque fois qu’un village est plein, les réfugiés progressent. Le long de la route qui mène à Diffa tout comme dans la ville, les camps s’étendent à perte de vue. Ces populations sont le signe visible d’un conflit qui tue sans distinction homme, femme, enfants. Personne n’est épargné et personne ne comprend cette barbarie. On égorge, on fusille bref on tue dans le silence. En ce moment toute la région accueille 94.152 personnes réfugiés et le conflit à obliger 138321 personnes à fuir leur terre. Des nigériens sont presque devenus des réfugiés à l'intérieur de leur pays. Ils sont obligés de quitter leur village pour se mettre en sécurité ailleurs sinon les éléments de Boko Haram viennent les tuer comme ce fut le cas du village de Alla dans la nuit du 26 au 27 octobre où 13 personnes ont été lâchement abattu ou encore du village de N’Gourtouwa où dans la nuit du 24 au 25 septembre, Boko Haram est venu tuer pour le simple vilain plaisir de tuer. A la suite de cette attaque au moins 6000 personnes ont été contrait de fuir leur propre village et devenir de sans-abris. 

Malgré la pauvreté, la solidarité est réelle entre voisins. Les populations paient un lourd tribut. Elles subissent les assauts répétés de Boko Haram qui règne en maitre derrière la frontière. Il faut dire que sur la presque totalité des 300 km de frontières entre le Nigéria et le Niger dans la région de Diffa, ce sont les éléments de Boko Haram qui font la loi du côté du Nigéria. Il faut selon un notable de Diffa parcourir au moins 100 km à l’intérieur du Nigéria pour espérer croiser un soldat nigérian. Le Nigéria n’a pas déployé d’hommes à la frontière et les nigériens et les tchadiens attendent vainement l’arrivée de cette armée qui n’offre plus de stratégies véritables. Les combattants de Boko Haram ne sont jamais loin et règne comme des lions sur un territoire que l'armée du Nigéria leur a abandonné.
Dans la ville de Diffa, les patrouilles se font aussi à pied. Les militaires malgré le maigre moyen travaillent pour protéger la population. L’armée essaie de protéger la frontière mais le terrain à protéger est immense. Les kamikazes s’infiltrent facilement dans la ville. Et dans la nuit du mardi au mercredi 21 octobre, certains éléments de Boko Haram ont réussi à entrer dans les faubourgs de la ville. La nuit a été ponctuée de coups de feu et déflagration. Diffa vit et respire ainsi depuis février. La situation est atroce sur tous les plans. Selon le PNUD, depuis le 6 février 2015, les attaques de Boko Haram auraient occasionné plus de 19 milliards de Francs FCA de perte à la région de Diffa.

Le mardi 20 octobre, Diffa a acceuilli dans la liesse son nouveau gouverneur. Pour la première fois au Niger, un général est nommé à la tête d’un gouvernorat.  Et le mercredi 21 octobre, la nuit a été ponctuée de coups de rafales. Le matin, radio trottoir annonce que quatre combattants présumés de Boko Haram qui ont voulu prendre le poste avancé de Boulongori à trois kilomètres à l’est de Diffa ont été abattus par l’armée. Selon dame rumeur, les insurgés auraient réussi à entrer à l'intérieur du camp et ont réussi à actionner leur charge. Deux valeureux soldats ont été tués et les trois kamikazes ont été abattus. L’hélicoptère a décollé tôt ce mercredi signe que des opérations sont toujours en cours.

Malgré les attentats, malgré le bruit des armes, Diffa vit mais respire péniblement. La vie semble figer à une corde que personne ne maitrise. Tout le monde attend impatiemment l’entrée en guerre de la force mixte qui doit à terme neutraliser la menace terroriste. Les populations ne comprennent plus l’agenda militaire du Nigéria dont les soldats fuient au combat et qui abandonnent leur arsenal à l’ennemi. Et ce mois d’octobre, des militaires du Nigéria selon dame rumeur auraient abandonné leur position à Abadam. Le Nigéria se concentre autour de la forêt de Sambisa et oublie une partie de son territoire à un groupe armé qui selon des indiscrétions vient parfois dans les herbes harceler les militaires nigériens. Que veut fait le Nigéria dans cette guerre ? Aujourd’hui, sans le Niger et le Tchad, cette secte qui a recruté dans tous les villages seraient régent d’une terre vaste comme la France.

Au moment de quitter cette ville, je rends hommage à tous ses humanitaires qui ont mis parfois une vie normale entre parenthèses et qui inlassablement aident les populations de Diffa à admirer la beauté de la vie. Ils sont des hommes mais aussi des femmes qui vivent et travaillent dans des conditions difficiles pour témoigner de la solidarité internationale dans une région pauvre et qui sans l'aide de la communauté internationale ne pourrait plus vivre. Grâce au travail de ces héros anonymes, Diffa n'a pas été oubliée.

A Diffa, il est difficile de prédire l’avenir, de savoir de quoi demain sera fait. A diffa, la vie semble une action quotidienne. 
Serge Xavier Oga

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