mardi 22 septembre 2015

La paix en péril au Faso

Le Burkina Faso s’est réveillé encore ce matin dans l’incertitude. Le pays des hommes intègres vit au ralenti depuis le mercredi 16 septembre 2015. Ce jour-là, des militaires du Régiment Spécial de Sécurité RSP dirigés par le général Gilbert Diendéré ont pris tout le monde par surprise et ont fait irruption en plein conseil des ministres en arrêtant le président intérimaire Michel Kafando son premier ministre Yacouba Zida et plusieurs ministres. 
La rue a commencé a contesté cette irruption des militaires sur la scène politique. Sous l’égide du président béninois Thomas Yayi Boni et sénégalais Macky Sall, la CEDEAO, Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a mené une médiation qui a proposé un plan de sortie de crise acceptée par les éléments de Diendéré mais la société civile et une majorité des partis politiques ont rejeté cette feuille de route. 

Les hommes du régiment spécial ont tenté vainement de rallier à leur cause le reste de l’armée et faisaient régner l’ordre dans les rues de Ouagadougou par la terreur. A l’intérieur du pays, les populations hostiles aux putschistes ont demandé aux militaires de prendre la route de Ouagadougou pour aller libérer le peuple ou de leur donner les armes. 

Hier, nouveaux développement dans cette crise burkinabè, le chef d’Etat-major de l’armée dans un communiqué a demandé aux soldats du RSP de rejoindre une caserne de Ouagadougou pour être désarmé. Dans la soirée d’hier Gilbert Diendéré dans un communiqué qu’il a lui-même lu sur les antennes de la télévision nationale, a présente ses excuses à la nation. Il reconnait ses erreurs et a déploré les pertes en vies humaines, les blessées et les dégâts matériels infligés par son unité à la nation. Le général s’est dit prêt à s'engager pour l'unité de l'armée. 
Ce mardi 22 septembre, le Burkina se réveille sans un véritable président aux commandes. Le président Michel Kafando en résidence surveillé a fui à la résidence de l’ambassadeur de France et le premier ministre a été relâché en signe d’apaisement. Les chefs militaires négocient entre eux la reddition des hommes du RSP sans effusion de sang. Pendant ce temps la population s’impatiente et les réseaux sociaux sont envahis de rumeurs. 
Dans la sous région ouest africaine, toutes les organisations de la société civile à commencer par le Sénégal ont rejeté les propositions de sorites de crise de la CEDEAO. Le président temporairement déchu Michel a Kafando dans un entretien hier à la presse a aussi désavoué cette médiation qui durant son séjour au Faso ne l’a pas véritablement consulté.  "Je tiens à le dire pour que tout le monde le comprenne, je n’ai pas été associé à ce projet d’accord des représentants de la CEDEAO. Mais ils doivent savoir que rien ne pourra se faire sans qu’ils ne prennent en compte la volonté des burkinabè. Alors, il faut que cela soit clair, je n’ai pas été associé à ce projet d’accord. J’ai pris connaissance de ce projet en même temps que tout le monde. En tout cas je suis très réservé par rapport à ce programme " a confié à la presse Michel Kafando.

Comme on le voit, la médiation de la CEDEAO n’a pas suffisamment pris du recul pour décortiquer un problème plus complexe. La paix à n’importe quel prix n’honore personne. Les vrais maux de la nation burkinabè ont pour nom corruption, gabegie, impunité, …  La demande d’amnistie contenue dans le protocole d’accord de la CEDEAO apparaît comme une démarche à contre-courant, un boulevard ouvert pour l’impunité. Ceux qui ont les armes peuvent tout faire avec leurs armes et cela leur confère de facto une immunité. 
Ce coup de force a été l’opération de trop. 
Hier en visite officielle à Niamey, le président Idriss Deby Itno du Tchad a demandé aux militaires du régiment spécial de sécurité de ne pas ramer à contre-courant. "Le régiment de sécurité présidentielle ne peut pas aller à contre-courant et prendre tout un peuple en otage..... Il faut qu'ils déposent les armes et regagnent les casernes" a conseillé le président tchadien. Ce point de vue est partagé par le président nigérien Mahamadou Issoufou qui souhaite que "le peuple burkinabè soit entendu, soit écouté". "Il n'y a pas de solution durable en dehors des réponses aux aspirations du peuple" a précisé le président nigérien. Le Niger ne souhaite pas une nouvelle crise dans un pays voisin d'autant plus qu'il est déjà confronté à des menaces terroristes sur ses frontières avec la Libye, le Mali et le Nigéria.

Ce mardi, les présidents ouest africains membres de la CEDEAO se retrouvent à Abuja au Nigéria pour discuter de la feuille de sortie de crise proposée par le président du Sénégal. 
Personne ne sait à l’heure actuelle où va le Burkina Faso. L’urgence est d’éviter un affrontement entre les militaires qui ne profite à personne. Tous les burkinabè sont des enfants de Dieu et comme tel, ils doivent dialoguer. Le dialogue est la seule porte du salut pour apaiser les cœurs. Et le message des évêques du Burkina Faso du 6 septembre 2015 est encore d’actualité. Les prélats du Faso demandent aux citoyens de leur pays d’avoir comme premier repère un peuple réconcilié. Et pour établir ce repère, ils fixent cinq conditions essentielles : "le courage de dire la vérité, toute la vérité, quel que soit le prix à payer, pour une réconciliation effective, socle de la paix ; le courage de demander, de donner et d’accueillir le pardon ;  le courage de pratiquer la justice ; le courage de combattre l’impunité ; le courage d’aller aux élections sans corrompre et sans se laisser corrompre".

Quelle que soit l’issue de la crise, les burkinabè doivent construire un système de gouvernance où la démocratie participative et la démocratie représentative se complètent et se renforcent harmonieusement comme l’ont rappelé les évêques dans leur message. Ironie du sort, tous ces événements au Faso se sont enchaînées hier, 21 septembre la Journée Mondiale de la paix sous le thème "Partenariats pour la paix – Dignité pour tous"
Serge Xavier Oga

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